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Mis à jour le 21/10/2024

Métacognition dans la démence sémantique : comparaison avec la maladie d’Alzheimer (2022-2023)

Mélanie Devaluez

Univ. Grenoble Alpes, LPNC

L’objectif de cette étude était d’évaluer les capacités métacognitives de personnes présentant un déclin de la mémoire sémantique, c’est-à-dire les connaissances sur le monde et les concepts.

Treize patients atteints de démence sémantique (DS) ont réalisé plusieurs tâches de métacognition : des tâches de prédictions de reconnaissance et de jugement rétrospectif de confiance épisodiques (apprentissage de liste d’images) et sémantiques (test de connaissances). Leurs performances ont été comparées à celles de 20 participants sains et à celles de 7 patients atteints de maladie d’Alzheimer, une maladie neurodégénérative altérant principalement les souvenirs de tous les jours (mémoire épisodique).

Cette étude avait pour objectif d’approfondir la compréhension de la relation entre type de déficit mnésique (i.e., épisodique ou sémantique) et compétences métacognitives.

Nos résultats ne permettent pas de mettre en avant une quelconque diminution de la sensibilité métacognitive dans la démence sémantique. En effet, les personnes DS arrivaient aussi bien que les contrôles à prédire leur capacité à reconnaître des informations, que ce soit sur une tâche de mémoire sémantique ou épisodique. En revanche, lorsqu’ils devaient évaluer a posteriori l’exactitude de leurs réponses, les patients DS étaient moins exacts que les contrôles, seulement lorsque la mémoire épisodique était testée. Ainsi, les patients DS ne présentent pas de déficit métacognitif général ni spécifique aux tâches mettant en jeu la mémoire sémantique. De plus, les déments sémantiques et les malades d’Alzheimer ne différaient pas dans leur manière d’évaluer leurs souvenirs et leurs connaissances.

Sommes nous capable d’évaluer notre mémoire autobiographique ?

Fabien Carreras1, 2, 3, Chris Moulin1, Andrea Tales2, Claire Barnes3, Céline Souchay1

1 Univ. Grenoble Alpes, Univ. Savoie Mont Blanc, CNRS, LPNC, 38000 Grenoble, France,
2 Center for dementia and innovative ageing, Swansea University, Wales
3 School of Engineering and Applied Sciences, Swansea University, Wales

Paradigme

Les participants à cette expérience ont été recrutés entre Juillet 2023 et Septembre 2024.

L’expérience était composée de quatre tâches :

  • Tâche 1 : Entraînement à la mémoire autobiographique

  • Les participants devaient générer un souvenir personnel en réponse à un mot affiché à l’écran, puis l’évaluer sur plusieurs dimensions. Cette tâche servait d’entraînement pour mieux comprendre le concept de souvenir autobiographique selon nos définitions.

  • Tâche 2 : Catégorisation de mots en lien avec la mémoire autobiographique

  • Au total, 100 mots (noms communs) étaient présentés en deux blocs (e.g., « acacia », « anniversaire »). Les participants devaient appuyer sur « espace » si le mot pouvait, selon eux, faciliter la génération d’un souvenir autobiographique. Chaque mot apparaissait pendant 2 secondes. À l’issue de cette tâche, chaque participant disposait d’une liste de mots catégorisés comme « facilitateurs » et d’une autre comme « non-facilitateurs ».

    Tâche 3 : Décision lexicale

    Les participants ont vu défiler des suites de lettres : 20 mots réels (e.g., « table ») et 20 non-mots (e.g., « pable »). Ils devaient indiquer si chaque suite représentait un mot et étaient invités à mémoriser les mots réels, qu’ils rappelaient ensuite sans limite de temps. Cette tâche servait de filler : nous n’avions aucune hypothèse quant aux performances sur cette tâche, nous souhaitions simplement qu’il y ait un délai entre la tâche 2 et la tâche 4.

  • Tâche 4 : Génération de souvenirs autobiographiques

  • Les participants devaient générer 16 souvenirs autobiographiques en réponse à des mots. La moitié des mots étaient des mots que les participants avaient catégorisés comme des « facilitateurs » lors de la tâche 2, et l’autre moitié étaient des « non-facilitateurs ». Ils décrivaient chaque souvenir et l’évaluaient sur plusieurs dimensions. Nous avons également mesuré le temps pris pour générer chaque souvenir. Cette mesure du temps de génération nous a fourni un indicateur objectif illustrant la facilité avec laquelle chaque souvenir était généré. L’idée étant que plus un souvenir était généré rapidement, plus il était généré facilement.

Contexte théorique

Ce projet s’inscrit dans deux domaines essentiels de la psychologie cognitive : la mémoire autobiographique et la métacognition. La mémoire autobiographique regroupe les souvenirs personnels qui nous aident à construire notre identité et contribuent à notre bien-être. La métacognition, elle, est la capacité de contrôler et d’évaluer ses propres processus cognitifs. Les modèles de mémoire autobiographique supposent des processus de contrôle impliqués lors de la création et de la récupération des souvenirs. Bien que des liens théoriques entre mémoire autobiographique et métacognition aient été faits dans la littérature, la capacité des individus à avoir un accès métacognitif à leur mémoire autobiographique reste peu explorée.

Dans cette étude, les participants ont réalisé une tâche de métacognition (tâche 2) au cours de laquelle ils ont prédit dans quelle mesure différents mots peuvent faciliter la génération d’un souvenir autobiographique. Pour réaliser cette prédiction, il est nécessaire d’évaluer sa mémoire (i.e., utiliser sa métacognition). La tâche de mémoire autobiographique (tâche 4) permettait de confronter ces prédictions de performance à des performances réelles.

Hypothèses

Nous avons supposé que les mots « facilitateurs » aideraient à générer des souvenirs autobiographiques plus facilement. Nous avons aussi émis l’hypothèse que les participants pouvaient avoir un accès métacognitif à leur mémoire autobiographique. Nous souhaitions également tester l’effet de l’âge sur ces capacités métacognitives.

Participants

50 seniors (60-80 ans) recrutés via Seniors pour la science et 50 étudiants en psychologie (18-25 ans) se sont portés volontaires pour réaliser l’expérience.

Résultats

Les résultats ont montré que le type de mot influençait la facilité de génération des souvenirs : les mots « facilitateurs » ont permis aux participants de générer des souvenirs plus rapidement que les mots « non-facilitateurs ». L’âge n’a pas eu d’influence sur cet effet : les participants jeunes et les participants âgés ont également bien distingué les mots facilitant la génération de souvenirs des autres.

Conclusion

Ces résultats suggèrent que nous possédons une capacité métacognitive d’accès à notre mémoire autobiographique, qui semble se maintenir avec l’âge. Ce maintien pourrait expliquer pourquoi, même avec le temps, la mémoire autobiographique reste importante dans la construction de l’identité et le bien-être. Cette stabilité pourrait aussi indiquer que les processus cognitifs liés à la mémoire autobiographique sont robustes face au vieillissement, offrant un champ d’investigation prometteur sur les liens entre métacognition et mémoire.

Remerciements

Il est important de remercier tous les participants qui se sont portés volontaires pour cette étude.

Merci à la plateforme PLATIPUS (ex-SCREEN) d’avoir diffusé l’annonce de cette expérience et de nous avoir fournit un accès aux boxes expérimentaux de la MSH-Alpes.

Cette étude a été réalisé dans le cadre d’un projet de thèse financé : ANR-15-IDEX-02.

Bibliographie indicative

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Carreras, F., Moulin, C. J. A., Tales, A., Barnes, C. M., & Souchay, C. (2024). Metacognitive processes accompanying the first stages of autobiographical retrieval in the self-memory system. Memory, 32(6), 776-789. https://doi.org/10.1080/09658211.2024.2370532

Jetten, J., Haslam, C., Pugliese, C., Tonks, J., & Haslam, S. A. (2010). Declining autobiographical memory and the loss of identity: Effects on well-being. Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology, 32(4), 408-416. https://doi.org/10.1080/13803390903140603

Nelson, T., & Narens, L. (1990). Metamemory: A Theoretical Framework and New Findings. In G. H. Bower (Éd.), Psychology of Learning and Motivation (Vol. 26, p. 125-173). New York: Acedemic Press.

Piolino, P. (2000). Mémoire autobiographique: Modèles et évaluations. Confrontations Psychiatriques, 33.

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